Andrzej Juliusz Sarwa
Cortèges
A la mémoire de Georges Cadoudal
Augustin Challamel, Desire Lacroix, Georges Cadoudal (1889),
źródło: CommonsWikimedia
Ils marchent, marchent, lointains et argentés
ils portent, portent aux pieds
des mottes de terre oubliée
les hampes grincent
des étendards flottent ponceau et dorés
les bannes claquent au vent
se déchirant avec fracas.
Partez vite
carcasses dans vos cercueils vermoulus
que les couvercles vous claquent
pour les siècles à venir
pourquoi vous nous reprochez
de n’être pas les meilleurs
pourquoi vous nous reprochez
d’être les mêmes?
Ils marchent, marchent de loin
d’où?
Qui le sait?
Ils marchent, marchent de loin
où vont-ils?
Qui le sait?
Les feuilles brunissent
dans les couronnes de laurier
les couronnes royales
vert-de-gris
roulent avec bruit sur le pavé
foulées aux pieds par ceux qui
croient toujours qu’ils sont meilleurs que les rois.
La porte vermoulue à deux battants
à la fin du monde
au jour du jugement
menacera de trombe et de peste.
La grisaille et la brume
les échos répercutés des roches reviennent
un goût âcre du soir
la froideur de la rosée aux pieds.
Vacillent, vacillent
dorés et argentés
loin, loin des étoiles….
Et puis à nouveau ils soufflent dans les trompettes
et puis à nouveau ils crient des mots
que personne ne comprend
mais voudrait comprendre.
Les jours se dissipent l’un après l’autre
égrènent de l’éternité des moments
des retours de rêveries
des révoltes muettes
des voluptés d’enivrement et un regret…
Et tout, tout pour nous
et tout, tout en vain
cependant ne nous laissez pas
au milieu de la route qui mène nulle part.
N’attendez pas que les mots
qui nous manquent sans cesse
gonflent, grandissent
s’aggloutinent.
Des saints sérieux aux visages blessés
sur les socles
tendent parfois les mains
vers le ciel,
parfois les cachent pudiquement.
Regardant les cimes des arbres.
Poudrés de neige,
ou tremblants lorsque novembre
les fouette d’une pluie froide.
Sur les socles des saints sérieux
D’un autre temps
qui n’était pas
le nôtre
bien que sans eux
nous n’aurions pas existés….
Les doigts courent sur le clavier
Bach lave les voûtes de la cathédrale
de prières non formées.
Il rince des grilles de confessionnaux des péchés
où ils se sont collés
puants et gluants.
Les madones de vieux tableaux
d’icônes byzantines
ne connaissent pas le sourire
leur tristesse nous accompagne
chaque jour encore
et encore….
Le Christ gothique
au visage douloureux
je t’en prie ouvre les paupières !
Tu ne peux pas garder continuellement le silence.
Ouvre la bouche
il suffit que tu l’ouvres.
Même les mots sont inutiles
les gestes superflus
si on verra
un movement des lèvres
enflées de coups de poing….
Et continuellement, ils marchent
ne s’arrêtant pas sur la route
quand rejoindrons-nous
ce cortège
sans fin ?
Et ils portent toujours
les étendards déchirés
quoique les mains pâmées
les doigts engourdis
fouettés d’un vent froid
des hivers incessants.
Les bourgeons aux arbres
gonflent de sève
pas pour eux pourtant
gonflent
pas pour eux !
Ces bourgeons
des printemps d’autrefois
ont disparu depuis longtemps
recouverts de feuilles jaunies…
Toutefois un tel moment arrivera
que le cortège s’arrête
-le guide s’agenouilera
essuiera
la couronne souillée
lavera de crachats
le cerceau béni
pour lequel
des générations passées
n’avaient rien
outre des malédictions et moqueries.
Et alors, ils rejettront dehors
les étendards ponceau et dorés
déchirés par les vents.
Et alors, ils rejettront dehors
les hampes usées par le temps
des vérités fausses depuis longtemps.
Cependant
ils marchent toujours
bien qu’ils ne sachent pas eux-mêmes
si la route est encore longue …
Cependant
ils battent le rythme avec les pieds.
Cependant
ils marquent les traces dans la poussière
des chemins sinueux….
Cependant
flotent toujours
ponceau et dorés…
Et pourtant il semblait
qu’il suffisait de nier
tout à quoi ils avaient cru
depuis des années et des siècles.
Et pourtant il semblait
qu’on ferait vivre plus simplement
si personne à l’exception
de nous-mêmes
de nous-mêmes
ne pourrait outrager…
Parmi de super-nouveaux
nains rouges
dans la confusion des nébuleuses
quelque chose nous saisit
à la gorge et nous étouffe
la bouche voilée
de toiles d’araignée
bien que dans la poitrine
un cri terrible monte
ils ne crient pas….
Cassez les sarcophages
retirez des ruines
les os pourris
des jours passés.
Lavez-les dans un vin vivifiant
Habillez-les de
cuirasses
couvrez de casques…
Nous attendons toujours un miracle
mais il n’arrive pas-
n’arrive pas
car enfin
nous ne sommes pas dignes
que le ciel nous fasse signe..
La nuit s’est répandue sur le monde
noire et silencieuse
une de plusieurs
mais pas pareille
aux autres.
Une nuit insatiable !
Cependant
Vaut-il vraiement la peine
d’attendre un miracle
au milieu de cette nuit ?..
Arrêtons de croire
que le ciel au-dessus de nous
est devenu désert
et que les morts se taisent
arrêtons d’attendre
cet éclair
qui allume en nous
des âmes étouffées
arrêtons d’appeler
après un mirage passé
en attendant
qu’il devienne réel…
Y-a-t-il une âme en nous?
Et bien oui- il y a une âme
Il n’y a pas de foi en nous?
Où est-elle?
celle cajolée,
celle aimée?
Arrêtons d’attendre
cette justice proclamée
delaquelle les gueules
se sont enflées
débarrassons-nous enfin
de cette naïveté
qui nous a ordonné
d’attendre
sans cesse attendre…
Pourquoi la nuit
on n’entend plus
de murmures des scolytes?
Pourquoi le grillon
derrière le poêle
reste muet
pour tout de bon?
Pourquoi les jours ont perdu
leur ressemblance
aux songes?
Pourquoi sommes-nous devenus
indifférents
aux pluies quotidiennes?
Et pourquoi manqué-t-on de temps
pour un examen de conscience quotidien?...
Chaque jour
quand nous demandons
(n’importe quoi)
cette bête au visage affreux
d’un ange humanisé
regarde par la vitre
et prie.
Sa voix n’arrive pas
à nos oreilles.
Nous devinons aux movements
de ses lèvres qu’il prie
et alors nos questions
restent sans importance.
Et celui derrière la vitre
bouge continuellement des lèvres
comme s’il essayait
de faire sa prière …..
Cependant
ils marchent toujours
battant le rythme des pieds
joignons-nous au cortège
des fantômes d’autrefois
qui marchent, lointains et argentés
portant, portant aux pieds
des mottes de terre oubliée.
Les hampes grincent
des étendards flottent ponceau et dorés
les bannes claquent au vent
se déchirant avec fracas…
Les feuilles brunissent dans les couronnes de laurier
les couronnes royales
vert-de-gris
roulent avec bruit sur le pavé
foulées aux pieds par ceux qui
ne croient plus qu’ils soient meilleurs que les rois….
Traduit par Paweł Czerwiński