wtorek, 26 lutego 2019

Cortèges - A la mémoire de Georges Cadoudal


Andrzej Juliusz Sarwa

Cortèges

A la mémoire de Georges Cadoudal


Augustin Challamel, Desire Lacroix, Georges Cadoudal (1889),
źródło: CommonsWikimedia


Ils marchent, marchent, lointains et argentés 
ils portent, portent aux pieds 
des mottes de terre oubliée 
les hampes grincent 
des étendards flottent ponceau et dorés 
les bannes claquent au vent 
se déchirant avec fracas. 
Partez vite 
carcasses dans vos cercueils vermoulus 
que les couvercles vous claquent 
pour les siècles à venir 
pourquoi vous nous reprochez 
de n’être pas les meilleurs 
pourquoi vous nous reprochez 
d’être les mêmes? 

Ils marchent, marchent de loin 
d’où? 
Qui le sait? 
Ils marchent, marchent de loin 
où vont-ils? 
Qui le sait? 

Les feuilles brunissent 
dans les couronnes de laurier 
les couronnes royales 
vert-de-gris 
roulent avec bruit sur le pavé 
foulées aux pieds par ceux qui 
croient toujours qu’ils sont meilleurs que les rois. 

La porte vermoulue à deux battants 
à la fin du monde 
au jour du jugement 
menacera de trombe et de peste. 

La grisaille et la brume 
les échos répercutés des roches reviennent 
un goût âcre du soir 
la froideur de la rosée aux pieds. 
Vacillent, vacillent 
dorés et argentés 
loin, loin des étoiles…. 

Et puis à nouveau ils soufflent dans les trompettes 
et puis à nouveau ils crient des mots 
que personne ne comprend 
mais voudrait comprendre. 

Les jours se dissipent l’un après l’autre 
égrènent de l’éternité des moments 
des retours de rêveries 
des révoltes muettes 
des voluptés d’enivrement et un regret… 

Et tout, tout pour nous 
et tout, tout en vain 
cependant ne nous laissez pas 
au milieu de la route qui mène nulle part. 
N’attendez pas que les mots 
qui nous manquent sans cesse 
gonflent, grandissent 
s’aggloutinent. 

Des saints sérieux aux visages blessés 
sur les socles 
tendent parfois les mains 
vers le ciel, 
parfois les cachent pudiquement. 
Regardant les cimes des arbres. 
Poudrés de neige, 
ou tremblants lorsque novembre 
les fouette d’une pluie froide. 
Sur les socles des saints sérieux 
D’un autre temps 
qui n’était pas 
le nôtre 
bien que sans eux 
nous n’aurions pas existés…. 

Les doigts courent sur le clavier 
Bach lave les voûtes de la cathédrale 
de prières non formées. 
Il rince des grilles de confessionnaux des péchés 
où ils se sont collés 
puants et gluants. 

Les madones de vieux tableaux 
d’icônes byzantines 
ne connaissent pas le sourire 
leur tristesse nous accompagne 
chaque jour encore 
et encore…. 
Le Christ gothique 
au visage douloureux 
je t’en prie ouvre les paupières ! 
Tu ne peux pas garder continuellement le silence. 
Ouvre la bouche 
il suffit que tu l’ouvres. 
Même les mots sont inutiles 
les gestes superflus 
si on verra 
un movement des lèvres 
enflées de coups de poing…. 

Et continuellement, ils marchent 
ne s’arrêtant pas sur la route 
quand rejoindrons-nous 
ce cortège 
sans fin ? 

Et ils portent toujours 
les étendards déchirés 
quoique les mains pâmées 
les doigts engourdis 
fouettés d’un vent froid 
des hivers incessants. 

Les bourgeons aux arbres 
gonflent de sève 
pas pour eux pourtant 
gonflent 
pas pour eux ! 
Ces bourgeons 
des printemps d’autrefois 
ont disparu depuis longtemps 
recouverts de feuilles jaunies… 

Toutefois un tel moment arrivera 
que le cortège s’arrête 
-le guide s’agenouilera 
essuiera 
la couronne souillée 
lavera de crachats 
le cerceau béni 
pour lequel 
des générations passées 
n’avaient rien 
outre des malédictions et moqueries. 

Et alors, ils rejettront dehors 
les étendards ponceau et dorés 
déchirés par les vents. 
Et alors, ils rejettront dehors 
les hampes usées par le temps 
des vérités fausses depuis longtemps. 

Cependant 
ils marchent toujours 
bien qu’ils ne sachent pas eux-mêmes 
si la route est encore longue … 
Cependant 
ils battent le rythme avec les pieds. 
Cependant 
ils marquent les traces dans la poussière 
des chemins sinueux…. 
Cependant 
flotent toujours 
ponceau et dorés… 

Et pourtant il semblait 
qu’il suffisait de nier 
tout à quoi ils avaient cru 
depuis des années et des siècles. 
Et pourtant il semblait 
qu’on ferait vivre plus simplement 
si personne à l’exception 
de nous-mêmes 
de nous-mêmes 
ne pourrait outrager… 

Parmi de super-nouveaux 
nains rouges 
dans la confusion des nébuleuses 
quelque chose nous saisit 
à la gorge et nous étouffe 
la bouche voilée 
de toiles d’araignée 
bien que dans la poitrine 
un cri terrible monte 
ils ne crient pas…. 

Cassez les sarcophages 
retirez des ruines 
les os pourris 
des jours passés. 
Lavez-les dans un vin vivifiant 
Habillez-les de 
cuirasses 
couvrez de casques… 

Nous attendons toujours un miracle 
mais il n’arrive pas- 
n’arrive pas 
car enfin 
nous ne sommes pas dignes 
que le ciel nous fasse signe.. 

La nuit s’est répandue sur le monde 
noire et silencieuse 
une de plusieurs 
mais pas pareille 
aux autres. 
Une nuit insatiable ! 

Cependant 
Vaut-il vraiement la peine 
d’attendre un miracle 
au milieu de cette nuit ?.. 

Arrêtons de croire 
que le ciel au-dessus de nous 
est devenu désert 
et que les morts se taisent 
arrêtons d’attendre 
cet éclair 
qui allume en nous 
des âmes étouffées 
arrêtons d’appeler 
après un mirage passé 
en attendant 
qu’il devienne réel… 

Y-a-t-il une âme en nous? 
Et bien oui- il y a une âme 
Il n’y a pas de foi en nous? 
Où est-elle? 
celle cajolée, 
celle aimée? 
Arrêtons d’attendre 
cette justice proclamée 
delaquelle les gueules 
se sont enflées 
débarrassons-nous enfin 
de cette naïveté 
qui nous a ordonné 
d’attendre 
sans cesse attendre… 

Pourquoi la nuit 
on n’entend plus 
de murmures des scolytes? 
Pourquoi le grillon 
derrière le poêle 
reste muet 
pour tout de bon? 
Pourquoi les jours ont perdu 
leur ressemblance 
aux songes? 
Pourquoi sommes-nous devenus 
indifférents 
aux pluies quotidiennes? 
Et pourquoi manqué-t-on de temps 
pour un examen de conscience quotidien?... 

Chaque jour 
quand nous demandons 
(n’importe quoi) 
cette bête au visage affreux 
d’un ange humanisé 
regarde par la vitre 
et prie. 
Sa voix n’arrive pas 
à nos oreilles. 
Nous devinons aux movements 
de ses lèvres qu’il prie 
et alors nos questions 
restent sans importance. 
Et celui derrière la vitre 
bouge continuellement des lèvres 
comme s’il essayait 
de faire sa prière ….. 

Cependant 
ils marchent toujours 
battant le rythme des pieds 
joignons-nous au cortège 
des fantômes d’autrefois 
qui marchent, lointains et argentés 
portant, portant aux pieds 
des mottes de terre oubliée. 
Les hampes grincent 
des étendards flottent ponceau et dorés 
les bannes claquent au vent 
se déchirant avec fracas… 

Les feuilles brunissent dans les couronnes de laurier 
les couronnes royales 
vert-de-gris 
roulent avec bruit sur le pavé 
foulées aux pieds par ceux qui 
ne croient plus qu’ils soient meilleurs que les rois…. 

Traduit par Paweł Czerwiński